- RHŒADALES
- RHŒADALESL’ordre des Rhœadales est diversement compris selon les auteurs puisque certains le limitent aux Papavéracées et aux Fumariacées. Plus généralement, on y admet les Crucifères et leurs alliées (Capparidacées et Résédacées). Les petites familles des Tovariacées, des Moringacées et des Bretschneidéracées y sont aussi incluses. Cet important groupe est parfois rapproché, en raison du type de placentation des ovaires, du grand ensemble des Pariétales; toutefois le plan floral, la présence de laticifères ou de cellules à myrosine l’en éloignent. Des affinités se rencontrent encore avec les Rosales, en particulier les Légumineuses, ainsi qu’avec les Synanthérales. Les Crucifères, considérées parfois comme un ordre, ont été traitées indépendamment en raison de leur intérêt alimentaire et pharmacologique. Elles ne seront mentionnées ici que pour expliquer la phylogénie de ce groupe.Caractères générauxÀ l’exception des Crucifères, vaste famille que l’on retrouve sur toute la surface de la Terre, les autres familles des Rhœadales ont des aires plus restreintes. Papavéracées et Fumariacées, répandues principalement en Europe et en Asie, sont caractéristiques des régions tempérées et froides de l’hémisphère Nord; quelques genres existent toutefois en Amérique du Sud et dans les régions subtropicales. Le centre de dispersion des Capparidacées est situé surtout dans les régions tropicales, subtropicales et méditerranéennes. Les Résédacées sont particulièrement abondantes dans les régions chaudes et tempérées. Les Moringacées se cantonnent dans les zones chaudes de l’Ancien Monde. Les minuscules familles des Tovariacées (un genre, deux espèces) et des Bretschneidéracées (une seule espèce) ont des aires limitées respectivement à l’Amérique tropicale et au sud-ouest de la Chine.La majorité de ces plantes sont des herbes; il faut pourtant noter parmi elles des formes ligneuses (Capparidacées, souvent épineuses; certaines Papavéracées telles les Bocconia d’Amérique du Sud) et même arborescentes (Moringacées, Bretschneidéracées). Les feuilles alternes sont fréquemment accompagnées de stipules réduites, ou caduques. Les fleurs présentent généralement trois cycles périanthaires, dimères ou trimères, et sont nettement différenciées en calice et corolle. Les étamines sont souvent nombreuses et résultent de la multiplication des méristèmes staminaux de base. Les carpelles soudées forment un ovaire supère à placentation pariétale.Les fruits secs sont des capsules (Résédacées, Papavéracées), des siliques ou des silicules (Crucifères, certaines Capparidacées et Papavéracées); ce sont rarement des fruits charnus (baies du câprier ou drupes). Les graines exalbuminées, la présence de cellules à myrosine et à sénevols dans les diverses parties de la plante caractérisent le groupe des Crucifères-Résédacées-Capparidacées. Le groupe des Papavéracées-Fumariacées s’en distingue par des graines à albumen huileux et par un appareil sécréteur interne constitué de cellules à latex isolées, de laticifères anastomosés, ou d’idioblastes allongés remplaçant les laticifères.CytologieChez les Papavéracées et les Fumariacées, les nombres chromosomiques de base les plus répandus sont: x = 6 et 7; toutefois, selon les genres considérés, il est possible d’observer des nombres variant de 5 à 14; les cas de polyploïdie y sont fréquents. Chez les Capparidacées et les Résédacées, les nombres chromosomiques haploïdes sont relativement semblables: n = 9 et 15, et les cas de polyploïdie ne sont pas rares; on peut déceler dans ces deux familles des noyaux à prochromosomes. De tels noyaux se rencontrent également chez les Moringacées qui sont caractérisées par leur nombre haploïde n = 14.Structures floralesLe type floral des Papavéracées, typiquement dimère, est caractérisé par la présence de deux sépales caducs, de quatre pétales à préfloraison chiffonnée et disposés en deux verticilles alternes d’origine vraisemblablement staminale, d’un grand nombre d’étamines résultant de la multiplication des deux verticilles, et d’un gynécée composé de deux carpelles (parfois davantage, jusqu’à vingt) soudés en un ovaire uniloculaire à placentas pariétaux (fig. 1).Les Fumariacées se distinguent principalement des Papavéracées par leurs fleurs à zygomorphie transversale, dont les pétales externes sont éperonnés, ou du moins l’un d’eux. Excepté chez le genre Hypecoum , l’androcée est composé de deux lames staminales; chacune correspond à une étamine trifide formée d’un filet aplati supportant une grande anthère biloculaire médiane à laquelle sont venues se souder, de part et d’autre, deux demi-anthères latérales. Les fleurs sont souvent pourvues de nectaires à la base des filets staminaux; la pollinisation croisée est ainsi assurée grâce aux insectes nectarifuges. Comme chez Chelidonium , le gynécée est caractérisé par la présence de deux carpelles formant un ovaire uniloculaire à placentation pariétale; le fruit mûr est akénoïde.De même que chez les Papavéracées, les fleurs des Crucifères ont des verticilles dimères; elles possèdent quatre sépales et quatre pétales disposés en croix, six étamines dont deux latérales, plus courtes que les quatre autres, ces dernières groupées par paires dans le plan antéro-postérieur (androcée tétradyname), et deux carpelles latéraux soudés par leurs bords pour former un ovaire uniloculaire supère.Les caractères des Capparidacées sont intermédiaires entre ceux des Crucifères et ceux des Papavéracées (fig. 2). Dans certaines espèces, telle Cleome spinosa , les fleurs sont du même type que celles des Crucifères, alors que les autres genres et espèces présentent le plus souvent une multiplication des étamines et des carpelles, comme c’est le cas chez les Papavéracées. Par ailleurs, il est possible de distinguer les Capparidacées par l’allongement de leur axe floral entre l’androcée et le gynécée (gynophore), ou entre la corolle et l’androcée (androgynophore); de plus, le périanthe est souvent zygomorphe, et le réceptacle floral présente parfois un disque nectarifère à la partie postérieure de la fleur.La famille des Résédacées, proche des Crucifères et des Capparidacées, possède des fleurs à caractères souvent aberrants; elles ne sont plus construites sur le type dimère, mais tendent vers le type pentamère, ce qui les éloigne ainsi considérablement des autres familles. Les fleurs, hermaphrodites, sont irrégulières par suite du développement prépondérant des pétales postérieurs, et par la présence d’un disque nectarifère nettement dissymétrique, situé en arrière des étamines (fig. 3). Le nombre des pièces florales est variable: quatre à huit sépales, quatre à huit pétales inégaux, de forme compliquée. Un androgynophore, surtout développé en arrière de la fleur, formant un disque nectarifère asymétrique, surélève les verticilles sexuels au-dessus des pétales. L’androcée comporte de nombreuses étamines. Le gynécée comprend trois carpelles ou plus, concrescents et constituant un ovaire uniloculaire à placentation pariétale. Cependant, la soudure incomplète des carpelles au sommet rend l’ovaire béant; ce cas de gymnospermie rappelle les fruits capsulaires de certaines Violacées [cf. PARIÉTALES].Affinités et évolution de la fleurPapavéracées et Fumariacées constituent un groupe dit par enchaînement et comportent des genres représentant les types extrêmes (Papaver, Fumaria ) et toute une série de chaînons intermédiaires: Meconopsis , Stylophorum , Chelidonium , Hypecoum , Dicentra , Corydalis . Les genres Chelidonium (dernier chaînon de la famille des Papavéracées) et Hypecoum (premier chaînon des Fumariacées) sont les intermédiaires par lesquels se fait la transition entre les deux familles (fig. 1). La fleur des Hypecoum , répondant à la formule 2 S + 4 P + 4 E + 2 C, est très proche de celle des Chelidonium et bien différente de celle des Fumaria . Le genre Hypecoum peut être rattaché aux Fumariacées, malgré ses liens évidents de parenté avec les Papavéracées; de nombreux botanistes considèrent d’ailleurs les Fumariacées comme une tribu (Fumarioïdées) des Papavéracées. L’analogie se retrouve également aux points de vue anatomique et biochimique.Le grand groupe des Capparidacées-Crucifères-Résédacées présente aussi des analogies avec le groupe des Papavéracées-Fumariacées; il s’en distingue notamment par le calice (quatre sépales au lieu de deux) et par la structure de l’androcée. La transition entre ces deux groupes se fait par l’intermédiaire de la petite famille des Tovariacées, pont jeté entre les Papavéracées et les Capparidacées; cette position systématique est confirmée par l’embryologie. Par ses caractères anatomiques et biochimiques, la famille des Moringacées peut être rapprochée des Résédacées. Enfin, les caractères anatomiques de la petite famille des Bretschneidéracées en font une entité plus ou moins isolée, possédant certaines analogies avec les Sapindacées et les Légumineuses.Intérêt économiqueLes graines de Papavéracées à albumen oléagineux peuvent contenir des huiles fines, comestibles (huile d’œillette extraite des graines de Papaver somniferum var. nigrum ), âcres, purgatives ou toxiques (en particulier celle d’Argemone mexicana ). Le latex de ces plantes, de couleur blanche, jaune ou rouge, renferme de nombreux alcaloïdes dont les plus connus sont la papavérine, la narcotine et la morphine extraite du pavot à opium (Papaver somniferum var. album , cf. MORPHINE). La grande chélidoine, ou grande éclaire (Chelidonium majus ), est une Papavéracée à latex âcre, jaune, utilisé quelquefois pour brûler les verrues. Parmi les Fumariacées, le fumeterre (Fumaria officinalis ) a des propriétés dépuratives.Les Capparidacées ont un intérêt économique élevé. La culture du câprier remonte à l’Antiquité et était connue des Grecs et des Romains. À l’origine, la présence d’épines acérées sur les plantes de câprier sauvage rendait la culture particulièrement ingrate; actuellement, on a remédié à ces inconvénients en créant une nouvelle variété par greffage avec un câprier inerme. Les câpriers sont plantés dans des terrains légers, perméables et de préférence fertiles, mais ils s’accommodent fort bien de sols caillouteux. Chaque arbuste donne en moyenne un kilo de câpres durant une saison. Les câpres, qui sont les boutons floraux, ne sont pas les seules parties condimentaires; les fruits, ou «cornichons de câpriers», récoltés avant la maturité, constituent un condiment encore plus apprécié.La gaude (Reseda luteola ) est employée dans la fabrication des teintures et peintures et servait à teindre les étoffes en jaune; sa couleur due à des composés flavoniques (lutéoline) possède la précieuse qualité de ne pas passer au roux. Différentes huiles comestibles sont extraites des Moringacées, et en particulier l’huile de noix de Behen .Si les Rhœadales sont familières par leurs représentants champêtres, coquelicots (Papaver rhoeas, P. dubium ) et gaude (Reseda luteola ), elles fournissent aussi un certain nombre de plantes ornementales: pavots (Papaver orientale, P. bracteatum , etc.), Glaucium , Sanguinaria , Argemone , Eschscholtzia (Papavéracées); Hypecoum , Corydalis , Dicentra ou cœur-de-Jeannette (Fumariacées); Cleome (Capparidacées); Reseda odorata (Résédacées).
Encyclopédie Universelle. 2012.